La nuit, n’est pas le bout du voyage
Travail réalisé dans le cadre de travaux pour l’Académie de Photographie de charleroi
La démarche. Une image ne se résume pas à la seule impression de couleurs ou d’une gamme plus ou moins étendue de gris sur un papier. Elle est plus que ça et c’est ce qui lui confère son attrait. Chacun connaît l’expérience de la séance de photos en famille. Il suffit de sortir un cliché d’un album pour voir s’engager une conversation ou un débat. Les souvenirs se succèdent et chacun à son mot à dire. Si la mémoire de l’un fait défaut, elle sera rapidement ravivée par un autre et de fil en aiguille, la discussion progresse.
En d’autres termes, la photographie sert d’intégrateur social. Elle est un élément déclencheur pour aller vers l’autre et le voir réagir. Elle est le support qui doit ouvrir les débats et délier les langues. Cette dimension sociale de la photographie est essentielle pour les aveugles.
La nuit, n’est pas le bout du voyage. Comment les aveugles se représentent le monde ? Telle est la question que mes photographies posent avec une grande délicatesse. C’est aussi une invitation à ressentir et à penser autrement notre relation au monde qui nous entoure.
La sensorialité de l’image. Nous pensons que l’image se résume au visuel. Mais toute perception d’image s’accompagne d’un ensemble de données sensorielles, émotives et motrices.
L’épiderme. Les mains et surtout ces prolongements qu’en sont les doigts, une interface privilégiée avec le monde pour les aveugles. Les doigts sont pour eux un sens avant d’être un outil.
La perception de l’image. Si nous aimons les images, c’est surtout parce que nous pouvons y entrer et en sortir, les aborder et les explorer, nous y noyer et les maîtriser. Ces notions de l’image sont évidemment présentes chez les aveugles. Mais chez eux, le rôle que joue la vue chez les voyants est rempli par l’ouïe et le toucher.
L’image sans les yeux. Pour la personne aveugle ce qui importe dans l’image, ce n’est pas le visuel. Ce sont les opérations mentales qui y sont mises en jeu, entre profondeur corporelle et représentations sociales.
Saisir la beauté que l’on ne voit pas ? Comment saisir la beauté quand on ne voit pas ? C’est à partir de ce questionnement esthétique que j’ai eu a eu l’idée de mettre entre les mains de Yann mon appareil pour qu’il puisse photographier ce qui lui semblait beau. J’aime ce côté inattendu et aléatoire des images.
Les photos ci-dessous ont été prises par Yann Tondu
REMERCIEMENTS
Le plus difficile a été de trouver une personne aveugle qui entre dans la démarche d’un travail photographique sans jamais pouvoir le consulter. Heureusement, le hasard existe et par l’intermédiaire de Patricia Beudin, j’ai pu rencontrer Yann Tondu.
Encore merci à lui pour le temps qu’il a consacré à ma démarche
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