Photographes à la Une. Agnès Varda & Jr
Lui 33 ans, elle 88, ont pris la route au hasard dans le camion-photomaton géant de JR, à la conquête des villages pour immortaliser les visages sans les emporter. Déposant les images noir et blanc géantes sur les façades, les murs, les trains, les conteneurs qui font le quotidien des sujets photographiés.Tous ces personnages anonymes rencontrés au fil de leur voyage par Agnès Varda et JR ne sont pas l’objet du travail photographique et cinématographique de ces deux-là, il en sont bien le sujet.
JR et Agnès Varda ont une passion commune dévorante: l’image. L’une est cinéaste. L’autre est photographe. Pourtant, la vue est -presque ironiquement- une souffrance pour tous les deux. Agnès Varda voit de plus en plus mal, tandis que JR se cache derrière ses mystérieuses lunettes de soleil noires. Ensemble, ils parcourent la France dans le laboratoire mobile du photographe, en quête de rencontres authentiques.
Ce qui est bien avec Agnès Varda c’est qu’on ne sait jamais à quoi s’attendre. Ce qui est bien avec JR, c’est que c’est toujours grand.
Direction, le Nord. JR voulait voir ces deux terrils comme une paire de seins dans le paysage. Ils se sont arrêtés à Bruay-la-Buissière, ont parlé avec les gens, ont appris qu’une rue d’un coron allait être entièrement détruite. Mais pour cela, il faudrait déloger Jeannine. Elle ne veut pas. Cette maison, c’est toute son histoire, c’est toute une histoire aussi, celle des mineurs. Agnès lui tire le portrait, JR l’agrandit et le colle aux dimensions de la façade. Quand Jeannine le découvre, elle est submergée par l’émotion. Nous aussi.
Agnès et JR aiment bien aller à la rencontre des gens, les écouter raconter leur maison, leur métier, leur village, leur paysage, leurs souvenirs….
Primo, ça leur donne des idées. Des idées toujours un peu militantes chez Agnès, un peu féministes aussi. Ça peut la mener jusqu’au bout des cornes d’une chèvre ou chez trois femmes de dockers, grandes comme dix containers dans le port du Havre. Et ça, c’est le truc de JR : rebondir sur l’idée d’Agnès, lui donner des dimensions incroyables et aussi une modernité, une capacité à frapper les esprits aujourd’hui.
Deuzio, ça stimule leur créativité, ça génère des envies de dispositifs. Les témoignages d’une éleveuse de chèvres, d’un facteur, d’ouvriers d’une entreprise chimique se transforment en œuvre d’art. A quoi sert l’art ? Agnès Varda et JR apportent leur réponse concrète et précise : l’art sert à rencontrer des gens et à libérer l’imagination.
Mais par les interstices s’engouffrent des souvenirs, de la mélancolie. La nostalgie reflue le temps d’une marée – un morceau de bunker sur une plage se charge d’une puissance poétique aussi inouïe qu’éphémère.