Photographe à la Une. Julie de Waroquier
Elle n’a pas encore 30 ans, est autodidacte en photo (oui, oui) et instaure sur chacun de ses clichés un univers à la fois très singulier, poétique, quasi chimérique… Et pourtant parfaitement ancré dans notre réalité. En parallèle, elle est professeure de philosophie formée à l’École Normale Supérieure de Lyon. Rencontre avec Julie de Waroquier, talent incontesté de la nouvelle génération.
« Ses teintes ont la couleur du temps et se souviennent de la séduction du Polaroid. Sa lumière, dont on ne sait d’où elle vient, baigne tout d’une tendresse infinie et impalpable. Chacune des images de Julie de Waroquier se présente comme une petite histoire qu’il est impossible de résumer en mots et qui en appelle simplement à notre imagination, à un voyage dans une fantaisie douce et immatérielle. Il y a là du rêve, sans doute, de la vision au sens où l’on parle de visionnaire et non de point de vue. Un appel à la contemplation, une invite à abandonner une forme de rationalité pour accéder à l’impossible et en profiter.
Tout est fabriqué, factice même, mais par ce pouvoir qu’a la photographie de nous obliger à penser – à savoir – que quelque chose de matériel exista avant elle pour qu’elle puisse se produire devant nos yeux, nous reconnaissons des jambes, un plancher, des espaces, une pomme, des papillons, un oiseau, une épaule ou une montgolfière. Nous les reconnaissons, mais le traitement de la couleur, tout aussi artificielle – à la limite indéfinissable du chromo, ou d’un vieillissement numérique de la palette – que les situations sont vraisemblables, nous pousse vers le sentiment que les rêves, ces images purement mentales et immatérielles, peuvent se figer devant nos yeux. Réalisation par la machine d’un vieux rêve de l’homme.
Si les images sont impossibles à dater, puisqu’elles conjuguent l’évocation d’un avant – vêtements, couleurs – et l’impression d’une familiarité, elles s’imposent comme un travail d’illustration de quelque chose qui ne veut pas se dire. L’essentiel reste que le mystère de l’ensemble, l’énigme comme règle, une fluidité qui fait que nous n’avons prise sur rien, que tout nous échappe, que, finalement, alors que l’image est bien fixe, là devant nos yeux, elle s’écoule, comme le fait le temps.
D’où cette étrange impression que tout flotte, que rien ne dépend de l’attraction terrestre, que nous ne pouvons guère qu’imaginer. Convoquer la magie, en appeler à l’inconscient pour le sonder dans le rêve.
Baignées d’échos d’enfance, les historiettes sous forme d’énigme de Julie de Waroquier se situent clairement dans la perspective et de l’illustration et d’un refus de la représentation du réel tel qu’il se présente en général sous nos yeux. Le numérique lui permet de donner à voir et, en même temps, de s’échapper du réel et de sa représentation fidèle telle que la projetait la photographie à ses débuts. Restent cette légèreté, ces couleurs, cette entreprise hésitant entre montrer et dépasser, sans verser dans le surréalisme mais sans dépendre vraiment de ce qui est. L’énigme. »