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Le storytelling en photographie

Ne s’intéresser qu’à la technique en photographie c’est un peu comme savoir bien écrire sans savoir raconter d’histoire, et oublier le pouvoir narratif des images, le pouvoir de raconter ces histoires, c’est un peu comme parler pour ne rien dire. Je reconnais que le propos est un peu extrême.

Je pense m’être rendu compte que la plupart de des clichés des « grands photographes » ont un impact sur mes émotions et sur mon ressenti face à elles. Certaines photos vous feront rire, d’autres pleurer. Une œuvre peut vous mettre en colère ou simplement vous apaiser.

Mais quelles techniques ces grands artistes mettent-t-ils en avant pour nous faire ressentir de telles émotions ? Je pense sincèrement que la photographie n’est pas ce qu’elle est, juste pour être beau. Elle peut l’être, beau, mais ne peut pas être que cela. La « vraie » photographie doit avoir une seconde lecture, plus profonde et permettre à l’artiste d’exprimer un sentiment, de partager un questionnement, ou même encore d’informer le spectateur.

Afin d’atteindre un niveau « supérieur » en photographie, je pense qu’il est essentiel de ne pas seulement photographier un sujet parce qu’il est beau, mais de rendre un sujet beau par ce qu’il raconte. Si une photo marque les esprits, elle ne sera jamais oubliée. Si elle est juste belle, elle aura le mérite de terminer en fond d’écran sur le smartphone de vos amis.

À travers cet article donc, nous allons tenter d’ajouter à vos photos une émotion, une profondeur, afin que les spectateurs ne l’oublient jamais. Même si ce sujet est étroitement lié à la photographie de rue, et au photo-journalisme, je pense que nous pourrions extraire certains détails afin de les implémenter au reste de nos œuvres pour leur donner une force et un degré de lecture plus intéressant.

Finalement, tout ce qui se passe autour de nous et qui nous entoure, raconte une histoire.

S’il n’y a pas de technique spécifique pour raconter de belles histoires, il y a tout de même une certaine structure que j’ai pu observer à travers les travaux des photographes qui ont marqué l’histoire. Comme pour un livres qui raconterait une histoire, une photo doit comprendre plusieurs éléments de narration dont voici l’idée :

  • Une ambiance
  • De l’émotion
  • Un récit
  • Une idée
  • Un message

Une ambiance. L’ambiance sera principalement obtenue en jouant avec un arrière-plan et éventuellement un avant-plan parlant(s). Celui-ci peut être plus ou moins flou en fonction de ce que vous voulez montrer ou non. Dans tous les cas, les éléments qui entourent votre sujet principal doivent rentrer en relation avec lui afin de créer une atmosphère générale, celle que vous voulez laisser transparaître. Même les différents éléments présents dans votre cliché pourraient être interconnectés afin de construire le processus de pensée du spectateur dans un chemin particulièrement guidé.

Une émotion. L’émotion peut être démontrée tout simplement par les expressions faciales ou corporelles d’une personne représentée dans votre cliché mais aussi par l’action exercée par votre personnage ou votre sujet.

Un récit. La propriété narrative une photo existe lorsque le spectateur peut facilement visualiser ce qui s’est passé avant ou ce qui pourrait se produire à la suite de la prise de vue. Exactement comme pour la lecture d’un livre. Cela pourrait être induit grâce à des éléments présents ou non dans le cadre mais qui ont (dans tous les cas) une interaction avec ce qui est présent dans le champ. Vous pourriez par exemple travailler le hors-champ qui est un moyen très intéressant pour ajouter de l’historique à votre photo et ainsi, donner aux spectateurs la possibilité ou non de contextualiser ou de comprendre l’ensemble dans lequel est inclus votre sujet. En général au plus la photo est détaillée au plus la qualité narrative est élevée.

L’idée. En général, tentez toujours d’avoir en tête l’idée que vous voulez laisser transparaître à travers votre photo et ne laissez pas le hasard faire les choses. Lorsque vous aurez pris votre cliché, soyez sûre que l’on comprenne bien vos intentions. Évidemment cette intention peut être amenée de manière totalement différente et le but est bien évidemment de faire différemment des autres et de ce qui a déjà été fait auparavant. Petit exemple : la photographie abstraite n’est rien d’autre qu’une manière complètement différente de regarder quelque chose de finalement très commun.

Le message. À l’inverse de la narration (du récit), celui-ci représente en quelque sorte le futur que vous laissez présager à votre spectateur. Celui-ci peut être plus ou moins explicite. Le message est souvent dicté par le thème de la photo qui peut être soit visuel par exemple : une couleur, une forme géométrique, ou encore par le style : panorama, macro, ou via la relation entre les différents objets ou sujets sur votre photo. Il peut aussi être présenté grâce à : un emplacement, une pièce, une place ou une combinaison des éléments ci-dessus. Dans la plupart des photographies célèbres, l’artiste laisse intentionnellement beaucoup de choses en suspens afin que le spectateur puisse avoir finalement une lecture ouverte de ce qu’il va se passer par la suite et puisse se faire son propre avis.

La clé à travers ses différents éléments est d’attirer l’attention du spectateur sur divers sujets, questionnements, afin qu’il puisse ressentir la même émotion que le photographe en prenant la photo. Si un seul spectateur retient votre photo grâce à ce qu’il a ressenti en la voyant pour la première fois, le travail est réussi et vraiment complet.

En pratique. On peut faire du storytelling avec une seule image… ou plusieurs. On imagine souvent qu’on ne peut pas mélanger plusieurs styles ou plusieurs thèmes, mais cela est faux. En associant deux 2 images par exemple. La façon dont nous associons les images créée un dialogue entre elles, et par la même une narrative. On peut aussi créer une série avec des photos sur le même thème, et même sur un thème personnel qui nous est cher.

Les techniques de photographie transférables au storytelling:

Les lignes : un photographe travaille avec des lignes. Ces lignes sont verticales, horizontales, courbes ou complètement éclatées. Des routes, des couchers de soleil, des ponts… Ce sont des lignes. Ce n’est pas juste pour se situer, effectuer un cadrage. Les lignes ont un impact émotionnel. Par exemple, des lignes verticales évoquent la puissance et la stabilité. Des lignes horizontales sont plus apaisantes. Pour les diagonales, c’est plus directement compréhensible : elles évoquent une augmentation ou une diminution. Utiliser ce concept de lignes peut apporter un plus à la construction et au rythme de l’histoire.

Les formes : c’est très directement une conséquence de l’utilisation des lignes. Les lignes génèrent des formes. Exemple : un même personnage ou objet pris en photo de manière directe, ou en silhouette. Les formes ne véhiculent pas toutes le même message et n’ont pas toutes le même impact émotionnel, la même tension, la même énergie, le même feeling. Les formes devront bien entendu être en adéquation avec le design global de l’histoire. Elles devront aussi apporter quelque chose à la dynamique de l’histoire.

La texture : utiliser la lumière pour mettre en… lumière certains détails d’un objet ou un personnage permet de mieux appréhender ce dernier, en lui donnant un relief (au sens propre comme au sens figuré) particulier dans l’histoire. Douceur, dureté… Des significations sensorielles peuvent être attachées de cette manière à l’histoire. Et on sait que les éléments sensoriels facilitent beaucoup le transport d’un public dans une histoire, son immersion dans un récit comme s’il en faisait partie. Prendre visuellement en compte cette notion dans son storytelling peut donc aussi lui apporter un plus certain.

L’unité : le photographe essaie d’appliquer un motif, un style qui va donner de l’unité à une image ou à une suite d’images qui va accroître l’intérêt de ses créations parce que le public va le et s’y retrouver. C’est très proche du fameux principe de la répétition chère aux communicants. Avoir une unité, ne serait-ce que dans le choix des images qui vont agrémenter une présentation narrative sera un plus certain. Utiliser une “famille” d’images va contribuer à former un cadre, apporter un guidage au public, qui va bien plus facilement parvenir à suivre l’histoire. Des images disparates, sans “esprit de famille”, par contre, vont avoir tendance à égarer le public et lui donner une impression d’inachevé.

Les couleurs : rien que le fait d’utiliser des couleurs chaudes ou froides donne déjà un ton, une ambiance, une humeur même à l’histoire. Il paraît même qu’entre 60 et 90% des gens (la fourchette est large mais quand même !) prennent leurs décisions dites impulsives sur la base des couleurs exclusivement. 

L’espace : jouer avec l’espace est un bon moyen d’exprimer des émotions et de donner du sens à une histoire. L’espace laissé “inoccupé” dans une image peut s’apparenter aux silences dans un discours. Cela amènera aussi à bien choisir l’emplacement des éléments les plus intéressants de l’image. Comment faire cela ? Et bien, il y a, en photographie, un principe connu comme “la règle de 3″. Elle consiste à diviser une image en 3, horizontalement et verticalement, ce qui aboutit à un quadrillage composé de 9 carrés. La règle d’efficacité photographique consiste à placer l’élément le plus intéressant de l’image le long de l’une des lignes de ce quadrillage, pour avoir une bonne composition.

Le contraste : un fort contraste attirera l’attention du public. C’est vrai dans le contenu de l’histoire, c’est vrai aussi dans les images qui la véhicule. Des tons de couleurs plus proches les uns des autres apportera davantage une impression de calme, rassurante. Tout dépend de l’enchaînement des événements dans l’histoire, qui exigera plus ou moins de tension, que l’image pourra apporter.

Pour conclure. Retenez qu’il est difficile de construire une histoire et de raconter quelque chose de plus que ce qui est présent de prime abord dans votre cliché, mais lors ce que c’est réussi, cela vaut toutes les récompenses du monde. C’est évidemment et comme pour tout, avec la pratique et en gardant ces divers éléments en tête que vous serez en mesure de générer des clichés de plus en plus intéressants, sans même vous en rendre compte au fil du temps.


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