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Peter Knapp : la photographie de mode en diagonale

Musée de la Photographie de Charleroi – Du 03 février au 26 mai 2024

Il est indéniable : la photographie de mode, autrefois reléguée au rang d’un domaine mineur ou d’un simple moyen de subsistance, a récemment conquis sa légitimité dans le monde des musées. Cette reconnaissance est solidifiée par l’invitation du Musée de la Photographie de Charleroi à accueillir Peter Knapp pour une rétrospective mettant en lumière ses années de création entre 1965 et 1980.

Né en 1931 dans la région suisse alémanique, Peter Knapp entame ses études à l’École des Arts Appliqués de Zurich, où l’influence des idées du Bauhaus se fait sentir. Son parcours pédagogique englobe la typographie, la peinture, la photographie, la mise en page et les techniques d’impression. En 1951, il s’installe à Paris pour poursuivre sa formation aux Beaux-Arts. Rapidement, il accède aux postes prestigieux de directeur artistique des Galeries Lafayette en 1955, puis du magazine Elle en 1959. Sa formation polyvalente lui permet de façonner la ligne éditoriale de l’hebdomadaire de mode, créé par Hélène Lazareff.

Dès qu’on plonge dans l’univers photographique de Peter Knapp, une chose attire immédiatement l’attention : les diagonales. Les prises de vue traditionnelles, bien alignées et statiques, cèdent la place à une vision dynamique et audacieuse. Ce photographe suisse transgresse les normes établies, renverse les perspectives, et ose les plans serrés ou les angles inattendus. Ses modèles se retrouvent parfois dans des mises en scène déconcertantes.

Sous le titre évocateur de « Mon temps », l’exposition s’engage à replacer les images de l’artiste dans leur contexte temporel. Elle explore avec finesse l’époque qui a inspiré l’artiste, offrant ainsi un regard renouvelé sur ses représentations. À travers sa pratique photographique et esthétique, l’artiste parvient à capturer l’essence de son époque tout en préservant une modernité indéniable.

Le photographe et le modèle. Outre-Atlantique, Richard Avedon capturait l’essence des célébrités tandis qu’Irving Penn modelait les mannequins en œuvres d’art. En France, Peter Knapp traduisait le rythme de la vie moderne en mettant en scène ses modèles dans des poses dynamiques. La femme semblait flotter ou nager, propulsée par un trampoline invisible ou étendue sur une table lumineuse transparente. Le photographe tournait autour de son sujet, créant des images chargées de diagonales et d’éléments géométriques. Parfois, il optait pour la pellicule 16 mm afin de capturer la pose parfaite. La couleur jouait également un rôle crucial en révélant les nuances du vêtement. Ainsi, le dessin de mode était relégué au second plan, dans l’ombre de ces nouvelles explorations photographiques.

La photographie. Peter Knapp ne s’est emparé du medium photographique qu’à l’occasion de sa collaboration au magazine Elle. Voulant déstatufier les images de mode, il révolutionnera un milieu jusqu’alors figé. Tirant parti d’une technique alors défaillante, il optera pour une caméra 16 mm filmant les mannequins en séquences très courtes avant d’en tirer des images fixes.

La photographie est un objet technique, avec ses déterminations mais aussi et surtout ses intentions. Peter Knapp l’a toujours su, les images sont préméditées. Il impose son regard esthétique et pensé sur l’objet photographique. Le monde dispose d’une structure géométrique. Peter Knapp en propose une construction architecturale. En conséquence, son travail est tout entier investi d’une préoccupation graphique. 

Peter Knapp divise le temps en séquences, temps qui ne s’apparente plus qu’à une suite d’instants dont aucun ne serait décisif. Dans ses clichés de mode des années 70, il utilise le film 16mm pour décomposer le mouvement des mannequins. Les épreuves successives fixent les étapes d’un phénomène par une méthode d’enregistrement banale. Il en est de même dans ses séries de « 5 minutes d’un nuage » ou « 3 minutes d’un drapeau », captures de mouvements dans un rythme inflexible de prise de vue.

Vers un autre univers.  En 1975, Peter Knapp prend ses distances avec la mode et développe un travail de photograhie plasticienne. C’est le début de ses célèbres ciels, immenses horizons bleus imprimés en cibachrome. La subjectivité de l’oeil le fascine, c’est ainsi qu’il intervient directement sur la pellicule, la gratte, la déchire. C’est au coeur de cette même démarche qu’il se lance dans les « décomposé/recomposé », découpages d’images allégoriques.

Infos pratiques: Musée de la Photographie de Charleroi. Du 3 février au 26 mai 2024. 11 avenue Paul Pastur, 6032 Charleroi. Du mardi au vendredi de 9h à 17h et les samedis/dimanches et jours fériés de 10h à 18h. 


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